Récit du Notaire Mutonis

 

 

L'auteur : Jean-Benoît MUTONIS & sa famille

Suspension du registre entre les années 1568 et 1570

Suscitation de guerre causant suspencion du présent registre

Suspension du registre entre les années 1584 et 1590

Somaire duscription des Afferes et Troubles de ce Pais dès l'an 1584 jusques en l'an 1590

Sources

Notes

 

L'Auteur : Jean-Benoît MUTONIS & sa famille

 

Jean-Benoît MUTONIS, né à Gap en 1536 dans une famille bourgeoise de Gap. Il est le petit-fils de Pierre MUTONIS ( 1479 - 1540 ), licencié en lois, qui fut notamment official général de la cour de Gap en 1505 puis juge du chapitre de Gap de 1528 à sa mort en 1540. Ce dernier avait épousé Jamone OLPHE-GALHARD, petite-fille de Gabriel OLPHE-GALHARD notaire et consul de Gap qui joua un rôle important dans les tractations dans les démêlés entre le dauphin Louis II (futur Louis XI) et Gaucher de FORCALQUIER, évêque de Gap, au milieu du XVème siècle. 

                                     

Leur fils Jean MUTONIS ( 1510 - 1567 ), d'abord clerc à Gap, est reçut comme greffier à la Cour des Comptes de Grenoble le 9 décembre 1530. Il retourne à Gap peu après où il exerce les fonctions de secrétaire et de notaire de l'évêque et du Chapitre de Gap de 1531 à 1567. A sa mort, il est inhumé auprès de son père et de sa première femme Agnès GIRARD en la cathédrale de Gap. Il avait pour armes « un scorpion grimpant sur un rocher au chef chargé d’un soleil rayonnant enter deux fleurs de tulipes ».

                                   

Jean-Benoît MUTONIS ( 1536 - 1614 ), fils aîné de la famille, est baptisé le 31 octobre 1536. Il fut d’abord clerc et pourvu de la cure du Monétier-Allemont le 9 janvier 1556, qu’il résigna à Olivier OLPHE-GALHARD le 8 octobre 1561. Notaire à Saint-Laurent du Cros dès 1559, il embrasse la Religion Réformée avant 1567. Il exercera comme son père les charges de notaire et de secrétaire épiscopal, malgré sa confession réformée qu’il avait peut-être abjuré en apparence. Il fut également procureur (1595-1604), greffier en la cour spirituelle et en celle de l’officialité de Gap en 1604 et encore notaire royal en 1612. Il teste le 16 février 1613 et mourut probablement le 19 janvier 1614.

Il épouse en première noce Honorée RICHAUD de Sisteron puis Suzanne du PERIER, qui teste le 27 août 1646. Il laissa trois fils de son premier lit et une fille de son second lit :

- Michel MUTONIS ( 1562 – 1636 ), notaire, procureur et bourgeois réformé de Gap, époux de Suzanne LE FRANC, dont postérité.

- Pierre, cité en 1567, sans alliance.

- Laurent, fixé à Marsillague en Languedoc en 1631.

- Françoise, réformée, x1/ 1617 Antoine CARLOT de Gap puis x2/ 15.3.1648 Antoine PELLOTIER marchand de Lyon

Le récit des événements est mentionné par le notaire au milieu de ses registres, pour justifier les lacunes qu'il a laissé durant les années de guerre ou d'exil. Son récit reste largement marquée par une neutralité à toute épreuve, sans aucun engagement de ses convictions personnelles. 

Gap

Suspension du Registre entre les Années 1568 et 1570

 

Il est à noter que la discontinuation qui se trouve entre lesdictes années, en cestuy et autres miens regestres a esté causée par les troubles qui, ce temps pendant, ont esté au royaulme de France, à l'occasion desquels j'avoys esté contrainct abscenter avec plusieurs autres le présant pais de ma nativité et habitation, jusqu'à ce qu'il a pleu à Dieu appaiser lesdicts troubles par écdict du Roy, par le moyen duquel en ladite années 1570 suys revenu audict pais et retiré en ma maison, y continuant la charge en mon estat soubz la grâce de ce bon Dieu, auquel soit tout honneur et gloire au siècle des siècles. Amen.

 


Suscitation de Guerre causant Suspencion du présent Registre

 

En cest endret est à noter qu'estant nouvelle de guerre cruelle en France, le troysiesme jnavier mil cinq cens septante sept, la ville de Gap en Dauphiné fut surprinse par le sieur des Diguières[1], tenant le party de la religion évangélique, et par ce moyen monseigneur de Gap et messieurs du vénérable chapitre et université de l'église cathédrale de Gap, avec plusieurs citoyens catoliques de ladicte ville, se retirèrent hors d'icelle; ce qu'a causé la suspencion qui se treuve au présente registre, et ne sont rentrés, tous ceux qui estoit par moyen sortis de ladicte ville, jusques à la fin de la guerre ainsy commancée, laquelle fut terminée par le moyen de la paix, laquelle il a pleu à Dieu et au Roy nous donner; pour l'exécution de laquelle monseigneur le duc de Mayenne entra à Gap avec ses troupes et tous ceux accostumés, le dimanche dix-septiesme jour du moys de septembre mil cinq cent quatre-vingt et ungs. Dieu par sa miséricorde bénisse ceste paix, chasse toute dissimulation des coeurs des homrd à l'exécution d'icelle et la nous face vrayment paroistre venyr de sa bonté à son honneur et gloyre et nostre dict solagement et salut. Ainsy soit-il.

 


Suspension du Registre entre les Années 1584 et 1590

 

Il est à notter que la discontinuation qui se treuve au present registre dès ladite année 1585 jusques en l'an 1590 a esté à cause de la guerre d'estat qu'on appeloit la guerre des princes, duquel temp et le cinquiesme avril dudcit 1585, le sieur d'Oriac[2] se saisit de ceste ville de Gap; bientôt après le lieu de Chorges fut prins par le sieur des Diguières et après la ville d'Ambrun. Ce temps pendant en l'an 1586 Chorges fut asigée par armé royalle conduite par les sieur d'Erpernon[3] et de Lavallette[4], le succès duquel siège, la mort du sieur de Guise, du sieur Cardinal son frère à Blois, celle du roy Henry, le despart du sieur évesque de Gap de ceste vile, le transport de son siège en la ville de Sisteron, avec aultres inconstances de misères advenues au temps que dessus, son plus amplement descrites au feuillet de ce regeste précédant cestuy cy, qui, causera fin au présent discours. Dieu du tout soit loué éternellement !

 


Somaire duscription des Afferes et Troubles de ce Pais dès l'an 1584 jusques en l'an 1590

Il est à notter que en la présante année et le cinquiesme avril, le sieur d'Oriac se saisit de ceste ville et sortit la garnison qui estoit en la maison du Roy, ou commandoit lors le sieur du Chaillar[5], soubz monseigneur de Saint-Jullien[6], gouverneur en icelle, et dès lors l'on a esté en grand trouble en ce pays et guerre ouverte contre ceux de la religion, ceux du party contrère se disant de la sainte Ligue. Laquelle guerre environ quatre après se convertit en guerre d'estat, estant descouvert telles appectences à Bloys, par la mort de monseigneur de Guyse et de monsieur le Cardinal, son frère, par le moyen que chacun scait, et dès lors ladicte guerre s'apella la guerre du Roy et des princes, dont s'ensuyvict bientost après le massacre proditoyrement perpetré par ung religieux catolique romain en la personne du Roy Henry troisiesme de ce nom sur la fin de l'an mil cinq cens huictante six. Assez au commencement de novembre Chorges fut assiégé et battu par armée royalle, laquelle demeura au devant dudict lieu jusques environ Noël audict an, soubs le commandement et conduicte des sieurs d'Espernon et de la Vallette, ausquels ledict lieu fut rendu par composition après avoyr soubstenu le siège durant le temps que dessus. Le despart de ladicte armée à laissé en ce pais plusieurs de la suite d'icelle qui y sont mort tant de malladie que aultrement, et despuys n'a cessé de avoyr peste et contagion en cedict pais presque en tous les lieux, ville et villages d'icelluy, jusques en l'année mil cinq cent huitante neuf et icelle durant. Pendant le temps de la susdicte dernière guerre, assavoyr le quastrième mars en l'an mil cinq cens quatre vingt et huit, la citadelle de Piémoron[7] fut recommancée à estre rebastie soubs les anciens fondements auparavant faicts et commancés le Xe aoûst 1580 et démolye dans dux moys après ou environ par convention faicte et accordée avec monseigneur le duc de Mayenne, commis par sa Majesté en l'exécution de la paix commencée en ce temps. Le faict de ladicte citadelle a causé que, oultre la trêve qui auroit esté traitée et accordée après le commencement d'icelle, enfin on est venu en ceste vile de Gap et conséquemment en tout ce pais de Gappençoys en une absolue résolution de paix et repos et accomoder toutes choses de fasson que chascun faict son affeire sans reserche des ungs ny des aultres, et ce fust en l'esté de l'an mil cinq cent nonante. Quelque temps auparavant les troubles derniers, dont cy dessus, Monseigneur le réverendissime évesque de Gap, à l'occasion des précédens advenus en ceste ville, qui fuct surprinse par le sieur des Diguières le III janvier mil cinq cent septante sept, abandonnant ladicte ville, se retira à Sisteron en Provence et dès lors il y a faict sa résidance et en son palais de la Baulme près dudict Sisteron, deppendant et estant des membres de son diocèse, et là dès lors il a comme remis son siège audict lieu en ce qui deppend de sa charge et autorité, y faisant assemblées de son clergé et y travaillant les affaires qui en dépendent, quoyqy'il y eust des oppositions et contredicts au....... Ce qui a esté la cause que le présent regeste n'a esté continué comme auparavant que bien peu, comme les actes d'icelluy le monstrent. Dieu soit loué du tout !

 

Sources

 

GROSDIDIER de MATONS Jean, Armorial Haut-Alpin, 2003

GUILLAUME Paul, Inventaire sommaire des archives départementales de Hautes-Alpes, série G, tome 4, 1901 (tous mes remerciements à Paul ANDRIEU pour les clichés)

ROMAN Joseph, Deux récits des guerres de religion dans les Alpes, 1886

 

Notes



[1] François de BONNE, seigneur puis duc de Lesdiguières, paroisse du Glaizil .

[2] Etienne de BONNE, seigneur d’Auriac, la Rochette, vicomte de Tallard (1600) puis maréchal de camp (1628).

[3] Jean-Louis de NOGARET, duc d’Epernon, colonel général de l’infanterie (1581), puis gouverneur de Provence (1587).

[4] Bernard de NOGARET, marquis de La Valette, frère aîné du précédent.

[5] Probablement le capitaine Guillaume de FAUDON de Gap, sieur de Chaillol.

[6] Gabriel de LA POYPE, sieur de Saint-Jullien, capitaine de cavalerie puis de 100 hommes d’armes, nommé gouverneur de Gap par le duc de Mayenne en octobre 1581.

[7] La citadelle de Puymaure, petite colline au nord-ouest de Gap.