Expédition des Provençaux en Dauphiné
1368-1369
 
  
 
Origine du Conflit
 
En 1365, l'empereur Charles IV, déclare son neveu Charles V, roi de France, vicaire impérial du - très virtuel - royaume d'Arles. Celui-ci en profite donc et charge son frère Louis d'ANJOU, gouverneur du Languedoc, des opérations en Provence. Louis d'ANJOU convoitait le royaume de Provence, dont la souveraine était alors le reine Jeanne.
 

Le Siège de Tarascon
 
Le prince français traversa le Rhône à Beaucaire et mit le siège devant Tarascon. Foulque d'AGOULT, sénéchal de Provence, était un véritable homme de guerre; il le prouva par la promptitude avec laquelle il répondit à cette attaque. Tarascon était bien armé et pourvu d'une bonne garnison; assailli vigoureusement par une armée dans les rangs de laquelle on remarquait Bertrand du GUESCLIN et qui possédait un matériel d'artillerie de siège des plus considérables pour l'époque. Foulque d'AGOULT réussi à immobiliser pendant un temps assez long la plus grande partie des troupes de l'agresseur. Cependant, Tarascon capitula le 20 mai 1368. Les troupes du prince entrèrent alors dans les pays d'Apt...
Le sénéchal ne chercha pas à faire lever le siège de Tarascon, il préféra rassembler à la hâte les contingents provençaux et les jeter sur le Dauphiné, jugeant avec raison que le meilleur moyen de combattre l'ennemi, c'était de l'attaquer à son tour là ou l'attaque était la moins prévue.
 

Les Préparatifs de Raoul de Louppy
 
Le Dauphiné, passé sous tutelle française depuis 1348, connaissait une paix durable, si bien que les fortifications et les murailles n'avaient pas été entretenues et menaçaient de tomber en ruine. Malgré la guerre en Provence, il n'y eu aucun préparatif côté dauphinois.
Raoul de LOUPPY, gouverneur du Dauphiné, rassembla au dernier moment les contingents de la région menacée et les posta sur les passages les plus fréquentés, tels que les cols de la Croix-Hautes et d'Aspres-lès-Corps.
Le gouverneur vint alors vérifier par lui-même les fortifications dans le Gapençais : le 14 juin, il était à Serre, y resta quelques jours, et revint à plusieurs reprises pour en faire réparer les murailles. Il donna le commandement de la garnison de Serres à Rodolphe de SAINT-GEOIRS. Il parcouru ensuite les frontières, le Champsaur & le Trièves, pressant la levée des recrues.
Finalement le 25 juillet, il fit en vain une proposition pacifique à Foulque d'AGOULT, malgré l'état de guerre déclaré entre leurs maîtres, il ne prétendait mettre aucune entrave au commerce entre la Provence et le Dauphiné.
 

La Guerre de 1368 & les Traités Particuliers
 
Les Provençaux s'attaquèrent d'abord aux Baronnies; les châteaux de Saint-André de Rosans et du Châtelet, qui appartenaient au prieur de Saint-André, furent emportés d'assaut, pillés & rasés. Les troupes contournèrent alors Serres et se dirigèrent vers Gap. Une partie des Provençaux s'empara au passage de Veynes, soumise au pillage et à la destruction des murailles. Une autre partie réussie à pénétrer en Trièves, en chassant les Dauphinois qui en gardaient l'entrée.
Les Provençaux ne s'attardaient pas dans de longs sièges inutiles, il évitèrent Gap et se préparaient à remonter la vallée de la Durance, pour envahir l'Embrunais & le Briançonnais. Rien n'était prêt pour la défense de ces baillages, Artaud d'ARCES, bailli du Gapençais, de l'Embrunais, & du Briançonnais, comprit qu'il n'était pas en mesure de résister, et demanda, avec Guy de MORGES, lieutenant du gouverneur du Dauphiné, à conclure un traité particulier avec les Provençaux.
A l'automne 1368, Foulque d'AGOULT accepta cette offre, l'Embrunais, le Briançonnais & le Champsaur furent ainsi épargnés moyennant une rançon de 6000 florins d'or. Cette somme considérable n'ayant pu être versée immédiatement, les Dauphinois durent donner des otages, ce furent :
 
Georges ATHENULPHI, seigneur de Prunières
Pierre BONNABEL, consul d'Embrun & coseigneur de Châteauroux
Raymond de LAYE, seigneur de Laye & du Buissard
Guigues de SAVINES, seigneur de Savines
Raymond de VEYNES, coseigneur de Veynes
 

L'Hiver
 
Un traité semblable eu lieu pour le Royans. La guerre se trouva donc circonscrite dans les Baronnies & le Gapençais, mais fut interrompue pendant l'hiver. Pendant cette trêve les villes du Haut-Dauphiné ne restèrent pas inactives et commencèrent des travaux sur leurs fortifications.
Ainsi à Embrun, l'archevêque Pierre AMEILH, prétendait que le terrain sur lequel les consuls voulaient élever de nouvelles murailles lui appartenait. Fort de l'approbation du gouverneur du Dauphiné le 4 avril 1369, les consuls ne tinrent aucun compte des prétentions de l'archevêque. Celui-ci les excommunia, mais les consuls continuèrent les travaux et engagèrent des mercenaires pour renforcer leur garnison.
 

La Guerre de 1369 en Champsaur & Embrunais
 
Au printemps 1369, la rançon n'ayant toujours pas été payée, les Provençaux reprirent les armes, en s'attachant à piller le Champsaur et l'Embrunais, contrées précédemment épargnées. Deux jours après la fête de Pâques 1369, ils s'avancèrent sur les terres des otages livrés :
Le jeudi 3 avril 1369, ils attaquèrent le château de Laye, le ruinèrent et en pillèrent le mobilier, évalué à 350 florins d'or, puis firent une razzia dans le Haut-Champsaur et forcèrent Etienne de ROUX, seigneur de Prégentil, à se racheter pour 250 florins, brûlèrent une belle ferme de Guigues de SAVINE & de Jean de MONTORCIER, que ces deux seigneurs avaient acquise trois ans auparavant ( pertes évaluées à 1200 florins ), tuèrent un homme, en saisirent plusieurs à Chabottes, Saint-Laurent du Cros, la Rochette et la Fare, auxquels ils ne rendirent la liberté qu'en échange de bonnes rançons, s'emparèrent de beaucoup de bestiaux et pillèrent le Champsaur entre Gap & St-Bonnet.
 
 Aperçu du Haut-Champsaur avec à gauche le col Bayard 
 
Dans la vallée de la Durance, ils n'eurent pas le champ aussi libre; ils pillèrent & rasèrent les châteaux de Savines & de Prunières, appartenant aux otages Guigues de SAVINES & Georges ATHENULPHI., rançonnèrent la communauté des Crottes, incendièrent Saint-André d'Embrun, mais ne purent prendre Embrun, défaits devant les garnisons renforcés de la ville. Les Provençaux prient et pillèrent alors Guillestre.
Pendant ces événements, les malheureux otages du sénéchal subirent mille outrages : on les confina dans une dure prison, et non seulement on détruisit leurs châteaux et on ruina leurs terres, mais on ne leur rendit la liberté qu'après le paiement d'une rançon de 1000 florins d'or.
 

La Paix
 
Tous ces événements se passèrent entre le3 et le 13 avril 1369 : les Provençaux ayant réussi à chasser Louis d'ANJOU, un traité de paix fut signé entre le gouverneur du Dauphiné & le sénéchal de Provence.
Un traité particuliers fut signé le 28 avril, par l'entremise d'Amiel d'AGOULT, seigneur de Claret, et de Rodolphe de COMMIERS, entre le Louis de TRIANS, vicomte de Tallard, qui avait pris fait & cause pour la Provence, et Jacques ARTAUD, évêque de Gap, qui avait pris fait & cause pour le Dauphiné. Les pertes subies par le Dauphiné par cette guerre furent évaluées officiellement à plus de 200 000 florins.
La reine Jeanne ratifia l'accord de paix le 26 juin 1369 et le roi de France en septembre 1369.
   
Sources
 
Emile AUGIER, Arnaud de TRIANS & son temps, 2000
Ulysse CHEVALIER, Choix de documents historiques inédits sur le Dauphiné , 1874
Joseph ROMAN, Expédition des Provençaux en Dauphiné, 1889
Christine ROUX, Histoire de Veynes, 1996