Les Reliques de Saint-Pelade à Montgardin
 
Saint-Pelade
evêque d'Embrun
 

Pélade est issu d'une famille Embrunaise, que les chroniqueurs qualifient de noble et chrétienne (l'arianisme était à cette époque très répendu). Dès sa jeunesse, il s'attacha à Catulin, évêque d'Embrun et le suivi dans son exil à Vienne. Il y "prophétiza" à Sigismond, roi de Bourgogne, la destruction de son royaume et la mort "qu'il y trouveroit, bien funeste, mais fort glorieuse". Il étudia les saintes Ecritures, "grandement occupé dans les livres et dans l'ostude des canons de l'Eglise et des Conciles".

A la mort de Catulin, il lui succède comme évêque d'Embrun de 518 à 523. Il se consacre alors à ses fidèles, "il alloit visitant son troupeau de paroisse en paroisse". C'est en cette occasion, aux abords de Réallon, qu'il aperçu une roche, "penchante depuis plusieurs siècles", s'écrouler et avec bruit et fracas venir descendre vers son groupe. L'évêque, pris dans ses méditations ne remarquait rien, tandis que ses compagnons, pris de panique hurlaient et fuyaient. Il fit alors un signe de croix et le rocher se détourna de l'autre "costé". Il n'oublie pas ses fidèles, et pendant son épiscopat, consacre son temps "pour aller au devant de ceux qui peuvent avoir besoing de luy" : orphelins, veuves et misérables... Il aurait notamment, en appliquant une huile "sur les joinctures des os" redonné à une jeune fille paralysée le pouvoir de marcher.

Embrun

Il bâtit trois églises à Chorges (église Saint-Victor), au Sauze (église Saint-Marcellin) & à Rame (église Saint-Laurent) et plusieurs autels à Embrun notamment. Il n'a pu consacré la quatrième église, celle d'Embrun, "par l'interruption que porta la mort à son dessain". Pélade meurt en523 à Embrun, peut-être le 6 janvier.

Les Reliques
 

Son culte commença à sa mort, et les miracles se seraient multiplier sur son tombeau. Un moine de l'ordre de Saint-Benoît emporta, à une époque et dans des conditions inconnues, les reliques pour les porter au monastère de la Portelle, évêché de Vich en Espagne. Passant près du lieu de Camprodon (Catalogne, Espagne), il "se trouve arresté, qu'il n'est nullement à son pouvoir, quel effort qu'il redouble, de passer outre". Le moine se résolu finalement à donner les reliques au monastère voisin, c'était un 21 juin. Elles y furent conservées dans un coffre d'argent. Des miracles se produisirent, ainsi peu avant 1470, un petit enfant mort fut ressuscité "par une opération vrayement surhumaine". La ville de Camprodon fut épargnée par la peste tant que les reliques y furent présentes...

Au mois d'octobre 1470, la ville de Camprodon se trouve exposée aux courses des "François". Les troupes du roi saccagèrent la ville et dérobèrent les reliques sacrées. L'abbé du monastère écrit "apprez avoir mis à terre les murailles et saccagé le peuple, ils emportèrent encor tout l'or et tout l'argent, et les ornemens des l'églises avec les reliques qui s'y trouvoient". Les pilleurs emmenèrent le coffre contenant les reliques à Perpignan. Un hôte et un notaire de la ville récupérèrent une petite partie des reliques, mais le reste étant déposé dans le château de Perpignan. Après quelques années, il fut emmené à Carcassonne auprès de l'évêque, Jean DU CHASTEL. Quelques temps après l'évêque meurt le 15 septembre 1475, et son frère, le capitaine qui avait dérobé la relique en Espagne, le fit porter à Beaucaire, dans le château du roi. Le capitaine conserva alors les reliques et négocia avec les moines de Camprodon : il leur rends les reliques mais garde pour lui "la vraye croix et quelques autres choses". Les habitants refusèrent son offre. Quelques années plus tard, conscient de ne pas avoir restitué les reliques sacrées, le capitaine ordonne par son testament de "restituer cette saincte dépouille" aux moines de Camprodon.

Monastère Saint-Pierre de Camprodon

A peine un ou deux ans plus tard, Charles VII envoya guerroyer en Catalogne un capitaine. Il fit démolir les murailles de Camprodon et laissa la ville au pillage de ses soldats... Jean RICHIER croise alors les soldats et leurs portefais chargés des reliques de Saint-Pélade et leur rachète "au prix de 140 escus". Il en avertit les religieux, avec promesse de leur rendre "aussitost que les choses seroient revenues à un estat plus paisible". Il restitua gratuitement donc aux moines ces reliques, et demanda à être gratifié "de quelques reliques de Saint-Pélade". Les religieux lui concédèrent un bras du saint, établirent un acte et firent la promesse d'un anniversaire pour leur "bienfaicteur", à perpétuité. Aussitôt rentré en embrunais, Jean RICHER déposa la relique dans sa chapelle de Montgardin et fit reconnaître par l'archevêque d'Embrun Jean BAILE le précédent acte. Il bénit la chapelle où les reliques furent posées et procura un brevet d'indulgences pour tous ceux qui "visiteroient cette chapelle".

En 1764, le seigneur de Montgardin, Charles de REVILLASC concéda au chapitre d' Embrun la moitié du bras... C'est ainsi que les précieuses reliques sont vénérées à Montgardin et à Embrun...

Jean Richière
 
 
Ses origines

Les RICHIÈR(E) sont une famille possédant une partir de la terre de Montgardin dès Antoine RICHIÈRE, cité en 1288. Jean est bailli du Gapençais en 1365. La famille a donné plusieurs dignitaires au Chapitre de Gap. Un écusson chargé des armoiries de la famille a été retrouvé dans les fouilles de la cathédrale de Gap.

Armes de la famille RICHIÈRE : d'or à la fasce ondée d'azur

Antoine RICHIÈRE, coseigneur de Montgardin, est bailli du Gapençais & de l'Embrunais en 1390 puis châtelain d'Embrun en 1407. Il avait épousé Antoinette de ROUSSET, fille de Raymond, qui fonda vers 1440 une chapelle Saint-Antoine dans l'église de Montgardin.

Ils furent les parents d'autre Antoine RICHIÈRE, également coseigneur de Montgardin. Il rends hommage à Embrun le 14 juillet 1449, comme procureur de Tonnine ROUSTAN, sa femme, et de Françoise ROUSTAN, sa belle soeur, pour les cens, rentes, juridictions et biens qu'elles ont dans les mandements de Savines et d'Ancelle.

Vers 1447, l'évêque de Gap fait arrêter et emprisonner Antoine RICHIER, sujet du Dauphin, sans que les officiers delphinaux en aient été informés. C'est une des raisons qui poussent le Dauphin a envoyer une commission sur "les attentats commis par l'évêque de Gap et ses officiers au préjudice de la juridiction du Dauphin dans cette ville". Après enquête, le Dauphin demande à ses officiers "de faire réparer avec effect les abus et excès commis par les officiers épiscopaux qui s'étaient emparés, sur le territoire delphinal, de noble Antoine RICHIER, coseigneur de Montgardin, vassal du Dauphin et l'avaient conduit dans les prisons de Gap, sans même en informer les officiers delphinaux". En fait, il avait été arrêté à Châteauvieux, territoire de l'église de Gap, sur l'ordre de l'official de Gap, pour un crime "d'ordre éclésiastique" commis dans l'étendu du diocèse de Gap; et n'avait fait que traverser le territoire delphinal de Montalquier pour l'emmener à Gap.

Il avait épousé vers 1440 Antoinette ROSTAING, fille d'Antoine ROSTAING de Saint-Crépin, coseigneur de Savine, et de Bertrande de FAUCON. Ils eurent vraisemblablement quatre enfants :
- Jean, écuyer & coseigneur de Montgardin, dont il est question ici.
- Michel, coseigneur de Montgardin, Saint-Crépin, Champcelle, Savine... Il teste le 7 juin 1510 devant les notaires RISPAUD de Chorges & RASQUACI de Saint-Crépin, souhaitant être inhumé à Montgardin. Il avait épousé Jeanne de MONTORCIER et eu de nombreux enfants, marié(e)s dans les famille de BONNE des Diguières, de LA VILLETTE des Crottes et MARESCHAL de Corps. Son arrière petite-fille, Catherine, dernière de sa famille, apporta Montgardin à son mari, Charles d'AIGUEBELLE, tandis que son arrière petit-fils, François de BONNE, sieur des Diguières, chef des réformés du Haut-Dauphiné, fut fait duc de Lesdiguières, pair et dernier connétable de France.
- Jacques, chanoine de Gap.
- Anne dite Annette, inhumée dans la cathédrale de Gap, dans le tombeau de la famille VIEUX. Elle épouse André RAMBAUD, coseigneur de Montgardin et de la Rochette. Ecuyer au service de Louis XII dans ses guerres contre l'Espagne, il teste le 23.08.1503 et meurt avant 1506. Ils sont les grands-parents des frères RAMBAUD de Furmeyer, qui furent parmi les principaux membres de la réforme en Gapençais.

Sa vie

Jean RICHIER est, comme ses ancêtres, il est un des coseigneurs de Montgardin. Il avait quelques droits sur des paroisses voisines, comme à la Rochette, où il vendit ses droits à André RAMBAUD. Il fut l'un des nombreux témoins auditionné en septembre 1463 par le juge mage et le procureur fiscal des comtés de Forcalquier et de Provence dans le procès opposant les habitants de Gap à leur évêque.

Montgardin
(© Jean-Marie DESBOIS)

En avril 1469, le Dauphin donne des lettres portant confirmation en faveur de Jean RICHIER, coseigneur de Montgardin, d'Antoine et Pierre de MONTGARDIN, frères, d'une transaction intervenue le 26 décembre 1265 entre Guigues, dauphin de Viennois et les seigneurs de Montgardin. Le Dauphin confirme cette lettre le 4 avril 1472 en adressant au gouverneur et gens du Parlement à Grenoble de nouvelles lettres, par lesquelles il entend que son écuyer d'écurie, Jean RICHER, ainsi qu'Antoine & Pierre de MONTGARDIN, frères jouissent du contenu des précédentes lettres. Lesdits coseigneurs de Montgardin n'avaient eu l'occasion d'en demander l'enregistrement, "attendu qu'ils avaient été jusqu'à ce jour occupés au fait de ses guerres".

Après avoir guerroyé dans le comté de Roussillon en 1484 et ramené les reliques de Saint-Pélade en embrunais, il participe à la conquête du royaume de Naples par Charles VIII. Passant à Rome, il obtint la bulle d'indulgence, octroyée par un concile de Cardinaux datée de l'année 1489 pour la visite de la chapelle.

Il aurait épousé Catherine de LA VILLETTE, fille de Jacques II de LA VILLETTE, coseigneur de Veynes et châtelain d'Embrun. Il pourrait être le père d'Anne, femme d'André RAMBAUD, mais il semble plutôt ne pas avoir eu de postérité. D'ailleurs ce mariage avec Catherine de LA VILLETTE pourrait être celui d'un oncle homonyme...

Sources
A voir : le site web de Jean-Marie DESBOIS sur Montgardin, chronologie, faits-divers & vie au village.
 
Archives départementales de Gap : G 1573, série E articles 1 à 249 (voir inventaires de l'abbé Paul GUILLAUME)
DIOQUE Georges, Dictionnaire biographique des Hautes-Alpes, 1996
FORNIER Marcellin, Histoire générale des Alpes Maritimes ou Cottiènes..., 1890
GROSDIDIER DE MATONS Jean, Armorial Haut-Alpin, 2004
GUILLAUME Paul, Inventaire sommaire..., série E, mandement et marquisat de Savine, 1916
PILOT DE THOREY E., Catalogue des actes du dauphin Louis II..., 1899
ROMAN Joseph, Inventaire et analyse des documents du Moyen âge relatifs au Haut-Dauphiné, 1887
ROMAN Joseph, Etat ecclésiastique administratif et féodal antérieur à 1789..., 1887
ROMAN Joseph, Les familles ethniques de la seigneurie de Veynes, in BSEHA 1910
ROMAN Joseph, Répertoire archéologique du département des Hautes-Alpes, 1888